Dans de nombreux pays, un retour de bâton conservateur et masculiniste se répand comme du chiendent, remettant en cause les acquis en faveur de l’égalité. Equipop, ONG dédiée aux droits et à la santé des filles et des femmes, et la Fondation Jean-Jaurès, ont publié il y a quelques mois un rapport, à la fois état des lieux du backlash dans le monde et des pistes d’actions pour la politique étrangère de la France. Objectif : aller au-delà du simple constat et se mettre en situation de combattre.

Par Gilles Marchand

Provoquer un sursaut politique face aux anti-droits : c’est la ligne directrice de ce travail argumenté et militant, « un appel à l’action pour faire gagner les principes féministes », qui prend racine dans l’onde de choc mondiale provoquée par l’annulation de l’arrêt Roe vs Wade.

C’est quoi, le backlash ?

Cette décision de la Cour suprême des États-Unis, prise en juin 2022, a remis en cause le droit à l’avortement, traduisant une tendance déjà à l’œuvre sur tous les continents : le backlash.

Le terme « backlash », ou « retour de bâton » en français, a été théorisé par la journaliste féministe américaine Susan Faludi dès le début des années 1990.

30 ans plus tard, les mouvements conservateurs et masculinistes ne cessent de monter en puissance pour rejeter les nouvelles avancées des droits des femmes, et même pour faire reculer ceux qui étaient acquis.

Corée du Sud, Suède : deux exemples parmi d’autres du backlash

Afghanistan, Brésil, États-Unis, Hongrie, Italie, Pologne, Russie, Sénégal, Tunisie, Turquie… Le rapport démontre la diversité des formes que peut prendre le backlash dans le monde. Par exemple, en Corée du Sud, des mouvements antiféministes multiplient les initiatives en se montrant très actifs sur les réseaux sociaux.

Parmi leurs faits d’arme : obtenir le retrait de campagnes publicitaires, jugées dénigrantes à l’égard des hommes, ou l’annulation de conférences féministes au sein d’universités prestigieuses. Le plus inquiétant ? Ce discours semble trouver un écho dans la société, notamment auprès des jeunes générations.

D’après une enquête menée en 2021, plus de trois quarts des hommes sud-coréens dans la vingtaine rejettent le féminisme.

Plus près de nous, les pays nordiques, pourtant présentés comme des modèles de société égalitaire, n’échappent pas à cette régression. Le rapport cite notamment l’exemple de la Suède : dans la continuité de la victoire de la droite et de l’extrême droite lors des dernières élections législatives, en septembre 2022, le nouveau ministre des Affaires étrangères annonçait l’abandon de la politique étrangère féministe du gouvernement, indiquant que « cette étiquette n’avait pas servi à grand-chose ».

Trois recommandations pour la diplomatie française

Ce mouvement réactionnaire, qui touche même les pays les plus éclairés, appelle une réaction d’ampleur : il faut rappeler que les droits des femmes sont des enjeux éminemment politiques, qui doivent traverser toutes les relations des instances multilatérales – l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Conseil de sécurité, la Cour européenne des droits de l’homme, etc. – mais aussi les actions des acteurs économiques, des ONG, etc.

Du côté des États, les pays qui, comme la France, revendiquent des « politiques étrangères féministes », doivent monter en première ligne pour montrer l’exemple et entraîner leurs partenaires dans cette dynamique.

Pour Equipop et la Fondation Jean-Jaurès, la diplomatie française peut mettre l’accent sur trois directions complémentaires :

  • Augmenter de façon substantielle le soutien financier aux associations et mouvements féministes dans toute leur diversité, financer les actions collectives et la solidarité transnationale, lever les barrières pour faciliter l’accès des organisations féministes aux financements, renforcer les financements en soutien à l’égalité de genre, à travers par exemple l’aide bilatérale.
  • Mettre en œuvre les recommandations issues des réseaux féministes et de la communauté internationale en matière de protection des défenseures des droits humains, et créer les conditions d’une véritable co-construction de la politique étrangère de la France, en y associant de façon systématique les activistes et organisations féministes.
  • Renforcer le cadre institutionnel français en matière de politique étrangère féministe, promouvoir des approches féministes dans l’ensemble des espaces multilatéraux, soutenir financièrement et politiquement les espaces multilatéraux de promotion des droits des femmes.

C’est en agissant sur ce triple levier (soutien financier, défense et protection, sujet diplomatique prioritaire) que la France pourra s’imposer comme un pays leader, refusant toute forme de compromission sur la question des droits des femmes.

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