Le monde du travail n’est toujours pas exemplaire, loin de là. Si quelques progrès sont constatés ces dernières années, ils restent dérisoires au regard des défis à relever pour atteindre la pleine et entière équité. Il serait temps de concrétiser ce chantier prioritaire du quinquennat.

Par Gilles Marchand

Bientôt dix ans que la France ne progresse plus dans le classement annuel du Forum économique mondial, qui examine les avancées dans l’égalité professionnelle femmes-hommes. Nous sommes bien sûr loin d’être les seuls : à l’échelle mondiale, au (très lent) rythme actuel d’amélioration, il faudrait attendre les années 2150 !

Pour revenir à la situation de notre pays, les pouvoirs publics font état d’une réduction des inégalités de salaire : 18,6 % en 2000, contre 16,1 % en 2019. Bref, pas vraiment de quoi pavoiser…

La tentation du gender washing dans l’index de l’égalité professionnelle

Depuis le début de l’année, l’index de l’égalité professionnelle femmes-hommes revient dans l’actualité. Mis en place en 2019, il est avancé comme source d’inspiration possible pour l’index senior. Or son bilan n’a rien d’exceptionnel, comme l’expliquent plusieurs associations féministes.

Sur le papier, les intentions sont louables. Les entreprises d’au moins 50 salariés sont notées sur la base de cinq critères :

  1. L’écart de rémunération ;
  2. L’écart de répartition des augmentations individuelles ;
  3. L’écart de répartition des promotions ;
  4. Le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité ;
  5. Et la parité dans les dix plus hautes rémunérations.

Si les résultats affichés vont dans le bon sens, avec un nombre croissant de sociétés évaluées et une augmentation des résultats, le diable se cache dans les détails.

Exemple de limite de l’index : un seuil de tolérance de 5 % sur les inégalités salariales, qui permet d’afficher un score de 95 % pour une différence de salaire de 10 %.

De qui penser que le gender washing s’invite dans les indicateurs ?

Un sentiment d’inégalité, ressenti par les femmes et reconnu par les hommes

Les perceptions des principales concernées confirment un paysage toujours et encore inégalitaire. Un sondage – réalisé à l’occasion du 4 novembre 2022, date à laquelle les Françaises avaient commencé à travailler gratuitement – révèle que l’inégalité salariale entre les sexes est à la fois ressentie sur le terrain par les femmes et admise par les hommes : six salariées sur dix ont déjà constaté être moins bien payées que leurs homologues masculins de niveau équivalent.

Hommes comme femmes, 59 % des personnes interrogées ont déjà été témoins de différences de rémunération injustifiées.

Le ressenti du plafond de verre fait toujours des ravages. 63 % des femmes ont ainsi le sentiment que, dans leur entreprise, les hommes sont privilégiés en termes d’évolution de carrière. Si ce constat est principalement dressé par les femmes, il est également rapporté par une part importante d’hommes.

Deux exemples d’inégalité

Quelle que soit la focale que l’on prend, comme le niveau de responsabilité ou le secteur d’activité, les inégalités restent criantes. Deux exemples parmi tant d’autres l’illustrent.

Prenons d’abord la situation emblématique des femmes de plus de 50 ans dans l’industrie cinématographique : avec 7 % des rôles qui leur ont été attribués en 2021, contre 16 % pour leurs homologues masculins, la situation n’évolue pas, restant figée entre 6 % et 9 % d’une année sur l’autre, comme le met en évidence les évaluations annuelles de l’AAFA (Actrices et acteurs de France associés). Pour rappel, dans la population française, un adulte sur quatre est une femme ayant atteint ou dépassé la cinquantaine…

Une autre étude, de l’Observatoire européen de l’audiovisuel, complète ce triste scénario : les femmes ne représentent toujours qu’un quart des réalisateurs européens.

La mobilisation citoyenne, plus que jamais nécessaire !

Autre domaine, celui de l’innovation. D’après une étude de l’Office européen des brevets, la France est loin de donner l’exemple en se classant 13e pays d’Europe, en 2019, avec seulement une inventrice pour cinq inventeurs.

À peine 16 % des demandes françaises de brevets comptent une femme dans l’équipe inventrice.

Sans atteindre la parité, la Lettonie, le Portugal ou encore la Croatie font bien mieux que nous, avec plus d’un quart de femmes parmi les demande de dépôt de brevet.

Quand pourra-t-on, enfin, se réjouir de l’égalité femmes-hommes dans tous les champs de la vie professionnelle ? Difficile de répondre, tant le chemin à parcourir est encore long. La société civile doit rester mobilisée pour porter ce combat et dénoncer toute forme d’injustice.

Quant aux pouvoirs publics, ils sont attendus pour aller plus vite, et plus fort, en multipliant les dispositifs impactants – à l’image de la récente loi Rixain, qui oblige désormais les entreprises de 1 000 salariés et plus de publier les écarts de représentation entre les femmes et les hommes parmi leurs cadres dirigeants et les membres de leurs instances dirigeantes.

 

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