En ce début septembre, de nombreux étudiant.es s’apprêtent à reprendre le chemin des cours. C’est le cas notamment des Grandes Écoles, cette exception française censée former la future « élite » de la nation. Une rentrée cette année particulière, non seulement du fait du coronavirus mais aussi des dénonciations de sexisme qui ont ébranlé certaines institutions début 2020. C’est dans ce contexte que la Conférence des Grandes Écoles (CGE) a publié son 5e baromètre de l’égalité Femmes-Hommes. L’occasion de faire le point sur les inégalités de genre qui perdurent. Égalité femmes-hommes et parité : où en sont les Grandes Écoles françaises ?

Par Violaine Cherrier

Le 28 janvier 2013, sous l’impulsion du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et du ministère des Droits des femmes, la Conférence des grandes écoles, la Conférence des présidents d’université (CPU), la Conférence des Directeurs des écoles Françaises d’Ingénieurs (CDEFI) signaient une charte en faveur de l’égalité femmes-hommes.

Début 2020, 514 diplômés et étudiants de 11 grandes écoles de commerce dénonçaient dans une tribune commune la « culture délétère, raciste, classiste, sexiste et homophobe » qui régnait au sein de ces établissements. C’est donc dans ce contexte que la CGE a publié en juin dernier la 5e édition de son baromètre  égalité en vue d’établir un état des lieux de l’évolution de la parité au sein des grandes écoles.

Que peut-on en retenir ? Voici une synthèse des principaux enseignements de cette étude.

Télécharger le livre blanc intitulé « égalité femmes-hommes : de la déclaration d’intention à l’expérimentation »

Les principes de la charte égalité

Les actions en faveur de l’égalité femmes-hommes sont définies autour de trois axes majeurs :

  • La sensibilisation des étudiant.e.s et des salarié.e.s des écoles aux enjeux de l’égalité femmes-hommes par l’introduction d’enseignements et de formations dédiées à ce sujet.
  • La mise en oeuvre de l’égalité femmes-hommes dans les établissements tant au niveau des personnels que des activités menées par et à destination des étudiant.e.s.
  • Le développement en amont des études supérieures d’une politique d’attractivité des cursus des Grandes écoles, notamment auprès des jeunes filles dans les domaines des sciences et techniques, du numérique, de la finance ou de l’entrepreneuriat, et auprès des jeunes garçons pour favoriser leur attrait pour des domaines tels que la communication, la chimie, etc.

L’application d’une politique égalité femmes-hommes dans les établissements suppose au préalable de faire un état des lieux statistique sexué régulier. Pour répondre à cette nécessité, le Groupe de travail égalité femmes-hommes de la CGE crée dès 2014 le Baromètre égalité femmes-hommes.

Ce dispositif d’enquête menée auprès de l’ensemble des établissements membres de la CGE vise à fournir aux référent.e.s égalité, aux directions des établissements et à l’ensemble des personnes en charge de l’égalité des indicateurs de mesure et de suivi des politiques égalité femmes-hommes.

Le Baromètre égalité femmes-hommes de la CGE

  • L’établissement : nom, catégorie, statut, nom et fonction du-de la référent.e, adhésion à la charte
  • Les étudiant.e.s en formation initiale et continue : effectifs par programme et par sexe
  • Le personnel de l’établissement en distinguant les différentes catégories de personnels des établissements publics et des établissements privés : effectifs, âge moyen, recrutements, promotions, formations, salaires moyens, salaires médians par catégorie et par sexe
  • Les instances de direction : composition par sexe et par âge des différentes instances de direction
  • Les actions en faveur de l’égalité femmes-hommes menées au sein de l’établissement : déploiement d’une stratégie et d’un plan d’action, actions mises en oeuvre, cibles des actions, formations, actions de mentoring, réseaux féminins, associations étudiantes, etc.
  • Un focus thématique : le thème est validé chaque année par le groupe de travail égalité femmes-hommes. Le thème sélectionné pour les 4e et 5e éditions du Baromètre est la lutte contre le harcèlement les VSS.

Que retenir du baromètre de l’égalité femmes-hommes ?

Pour obtenir un aperçu rapide des principaux enseignements de ce 5e baromètre, vous pouvez consulter l’infographie ci-dessous :

égalité femmes hommes dans les grandes écoles 2020

Télécharger l’infographie complète

Féminisation des effectifs : de fortes disparités entre écoles de management et écoles d’ingénieurs

Au niveau global, une minorité des formations initiales dispensées par les établissements membres de la CGE peuvent être qualifiées de mixtes, c’est-à-dire affichant une part d’effectifs femmes ou hommes se situant entre 40 % et 60 %. Cette statistique diffère selon la spécialité de l’établissement.

D’un côté, les écoles de management réaffirment chaque année leur mixité avec 100 % de formations mixtes alors que les écoles d’ingénieurs souffrent très majoritairement d’une faible présence des femmes dans de nombreuses spécialités.

Le taux de féminisation dans les effectifs étudiants des autres établissements varie également en fonction de la spécialité.

Un constat et des inégalités que l’on retrouve au niveau de la formation continue :

  • Si 75,3 % des établissements participant au baromètre proposent des programmes de formation continue, diplômants ou certifiants, seules 37,1% des stagiaires qui ont suivi ces formations en 2018-2019 sont des femmes. Soit à peine une peu plus d’un.e apprenant.e sur trois.
  • Les formations continues dispensées dans les écoles de management ont un taux de féminisation moyen de 43,5% contre 20,2% pour les écoles d’ingénieurs.
  • 45% des écoles de management proposent des formations continues mixtes contre 2,8% des écoles d’ingénieurs.

Des inégalités tout au long de la vie

Si les inégalités débutent sur les bancs de l’école (et ce bien avant ceux des grandes écoles), force est de constater qu’elles ne se comblent jamais et répercutent à tous les niveaux. À commencer par les inégalités salariales bien entendu, et ce dès la première embauche.

Malgré quelques avancées, les conditions d’emploi des jeunes diplômé.e.s continuent d’être moins favorables aux jeunes femmes, qu’elles soient diplômées d’une école d’ingénieur, d’une école de management ou d’un autre établissement. En effet, le taux net d’emploi, la part de contrats à durée déterminée et l’accès au statut de cadre sont autant d’indicateurs qui témoignent d’un accès à l’emploi genré.

Ces écarts de traitement sont également constatés au niveau des salaires bruts annuels moyens, avec ou sans primes, quelle que soit la spécialité.

Les associations étudiantes

Autre témoin du rôle joué par le système éducatif dans les inégalités professionnelles : les associations étudiantes. Antichambre de l’entreprise, la composition des bureaux des associations constitue
une mesure intéressante de la progression de l’égalité femmes-hommes auprès des jeunes étudiant.e.s.

Or, il apparaît que les associations ne sont pas des modèles d’organisations mixtes et que les taux de féminisation des bureaux des associations varient selon les domaines : la part des femmes est ainsi plus élevée dans les bureaux des associations artistiques que sportives.

La mixité dans les assos étudiantes des grandes écoles

Les actions mises en oeuvre

Les établissements membres de la CGE se sont emparés de la question de la lutte contre le sexisme et le harcèlement. La progression de la part des établissements déclarant disposer d’une cellule (ou d’une personne contact) chargée de traiter les situations de harcèlement sexuel ou de comportement sexiste en témoigne. Et plus encore, c’est la nette progression des établissements bénéficiant d’un personnel formé qui atteste de la progression des établissements dans le déploiement de dispositifs adaptés à la gestion de ces situations.

Les actions de sensibilisation visent les étudiant.e.s directement ou par le biais des associations, mais aussi le personnel des établissements. Les stagiaires de formation continue sont des cibles moins prioritaires pour les établissements en matière de lutte contre les comportements sexistes et le harcèlement sexuel.

Lutte contre le sexisme dans les grandes écoles 2020

Si les grandes écoles semblent avoir, dans leur majorité, pris conscience des inégalités et mis en place des mesures en faveur de la féminisation de leurs effectifs, en 2020 malgré tout, les résultats sont encore très limités, notamment au sein des filières scientifiques.

Il apparaît néanmoins clairement que les grandes écoles jouent un rôle clé dans la lutte contre les inégalités professionnelles. Associations, junior entreprise, taux d’intégration, opportunités professionnelles à la sortie de l’école, négociations salariales… À tous les niveaux, les inégalités ressortent.

S’il est à craindre qu’il faille encore attendre longtemps avant de voir ces disparités disparaître, certains chiffres n’en restent pas moins encourageants. Il sera donc plus qu’intéressant de les comparer avec ceux du 6e baromètre pour vérifier si l’évolution est positive ou non.

À propos de l’autrice

Violaine Cherrier est journaliste et content manager indépendante spécialisée dans le secteur IT. Blogueuse sur le sujet de l’égalité professionnelle, elle rédige sur ce sujet pour la presse écrite, et intervient dans des conférences. Elle est également engagée en faveur de la lutte contre les discriminations dans le sport, notamment en tant que bénévole pour le Tournoi International de Paris.

 

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À propos de l’Association Française du Féminisme

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