Si ce lundi 8 mars marque la Journée Internationale des Droits des Femmes, elle célèbre également cette année la sortie de l’ouvrage Un texte Une femme – La littérature au féminin en 365 jours, publié aux éditions LibriSphaera mais surtout rédigé par notre autrice « maison », Sarah Sauquet, membre de l’Association Française du Féminisme et rédactrice de portraits littéraires pour notre blog. Cerise sur la gâteau : Sarah nous a fait l’honneur de nous demander de préfacer son livre. Alors le moins que l’on pouvait faire, c’était de lui accorder une interview. Mais attention, car après avoir lu cet article (et surtout cet ouvrage), vous aurez très certainement une furieuse envie de ire des autrices !

Par Violaine Cherrier et Sarah Sauquet

Peux-tu nous présenter Un Texte Une Femme – La littérature au féminin en 365 jours ?

Sarah Sauquet : Un texte Une femme, La littérature au féminin en 365 jours est la déclinaison, sous forme de livre, de l’application littéraire et féministe Un texte Une femme créée et disponible sur iPhone et Android depuis le 1er mars 2020. Ma mère, Dominique Sauquet, ingénieure, et moi-même, en sommes les créatrices.

Quelle en a été la genèse ?

Sarah Sauquet : En 2019, j’ai publié un dictionnaire des prénoms littéraires, Un prénom de héros et d’héroïne, sur lequel j’ai travaillé une année durant. Au cours de cette année de recherches et d’écriture, j’ai pu constater que nombreuses étaient les héroïnes littéraires à ne pas avoir de prénom, et ceci était plus troublant encore quand les ouvrages avaient été écrits par des femmes.

Tout ceci m’a conduit naturellement à m’interroger sur l’invisibilisation des femmes en littérature, et après avoir fini ce livre, j’ai proposé à Dominique, avec laquelle nous avions déjà réalisé six applications littéraires, d’en faire une nouvelle, uniquement consacrée aux écrits féminins.

Très vite après la parution de l’application, il m’est apparu pertinent que ce projet puisse aussi exister en format papier. LibriSphaera est l’éditeur qui m’accompagne dans cette aventure.

Comment est-il conçu ?

Sarah Sauquet : L’application comme le livre fonctionnent sur le même principe : découvrir, chaque jour de l’année, un texte qui parle des femmes, et qui est écrit par une femme engagée, connue ou méconnue. Chaque texte est accompagné d’une biographie de son autrice, d’une introduction explicative, de notes et compléments.

Certains textes abordent, explicitement, des thématiques féministes très contemporaines et actuelles comme le harcèlement de rue, l’avortement, l’allaitement, les féminicides ou les violences envers les femmes. D’autres textes nous poussent à nous interroger sur notre liberté et notre statut en tant que femme. Cette réflexion, plus indirecte, se fait souvent à travers des œuvres littéraires qui ont pour thèmes la liberté, l’émancipation ou l’accomplissement.

Pourquoi vouloir mettre en avant les autrices plus particulièrement ?

Sarah Sauquet : Je souhaitais mettre en avant des femmes de lettres, poétesses, romancières, ou épistolières, mais surtout des autrices au sens large, c’est-à-dire des femmes ayant laissé une trace écrite. Je ne voulais pas d’un livre purement littéraire, et j’ai tout de suite cherché des profils divers et variés. Ainsi, Un texte Une femme est une anthologie proposant des textes de 110 autrices, femmes de lettres mais aussi sages-femmes, salonnières, reines, infirmières, anthropologues, comédiennes ou militantes féministes.

Parce que je suis très attachée à la francophonie et à la littérature anglo-saxonne, le livre propose des textes d’autrices issues de 8 territoires, des États-Unis à Tahiti en passant par le Québec ou la Suisse. Pour des raisons de droits d’auteur, vous n’y trouverez que des textes tombés dans le domaine public.

Le choix des textes s’est fait à la fois sur des coups de cœur, sur des femmes qu’il me semblait nécessaire de remettre à l’honneur, et sur la pertinence d’un propos sur un sujet donné. J’ai mis un point d’honneur à ne pas piller d’anthologies déjà existantes, à ne pas m’attribuer un travail de recherches qui n’aurait pas été le mien.

Quelles sont d’ailleurs les autrices qui t’ont le plus inspirée ?

Sarah Sauquet : J’ai fait de nombreuses et belles découvertes, au point d’avoir le sentiment que certaines de ces autrices étaient devenues des amies. Toutes m’ont émue, intéressée et portée.

J’ai adoré découvrir la vie de Sarah Bernhardt, monstre sacré aussi baroque que généreux. La première grande journaliste française, Séverine, est une figure extrêmement intéressante qui a d’abord été antidreyfusarde, avant de revenir sur ses opinions et défendre Alfred Dreyfus. Marie d’Agoult parle à merveille des Parisiennes et des mariages de convenance que doivent faire les jeunes filles sous la Restauration.

Je me suis pris de passion pour un essai littéraire sur les fées, éminemment poétique, écrit par Lucie Faure-Goyau, fille du président Félix Faure. J’ai été sciée par le courage d’une Voltairine de Cleyre, anarchiste américaine qui écrit une lettre à un sénateur pour que ce dernier vienne lui tirer dessus.

Enfin, je cherchais si des écrits d’Helen Keller étaient tombés dans le domaine public. Ce n’est pas le cas en France, mais j’ai, grâce à cela, découvert la Française Marie Lenéru, elle-même sourde et muette, qui lui a consacré une biographie, Le cas de miss Helen Keller. Plusieurs extraits figurent au sein de l’ouvrage. Il y est toujours question du handicap, et du parcours exceptionnel que fut celui d’Helen Keller.

Si tu devais offrir ce livre à une personne en particulier, qui choisirais-tu ?

Sarah Sauquet : Je suis l’aînée de quatre enfants et ma cousine Marine, de sept ans mon aînée, fut mon premier modèle, ma première figure féminine de référence après ma mère. C’est à elle que le livre est dédié et je vais bien sûr le lui offrir.

As-tu un public cible plus qu’un autre ?

Sarah Sauquet : Je pense que le livre s’adresse avant tout aux femmes. Parce qu’il sensibilise aux multiples combats féministes menés au cours des siècles, et présente des femmes qui peuvent devenir des modèles, il peut séduire des adolescentes, jeunes filles et jeunes femmes en construction, mais aussi et bien sûr des femmes de tous les âges. Les textes choisis balayent toutes les étapes de l’existence, de l’enfance à la fin de vie, avec leurs enjeux et problématiques propres. 

Où peut-on acheter ton livre ?

Sarah Sauquet : Le livre est édité chez LibriSphaera, une maison d’édition qui ne travaille qu’avec les meilleurs artisans du livre. L’éditeur a fait le choix d’imprimer à la demande, ce qui permet une approche raisonnée, et écologique de la chaîne du livre. Il faut donc commander le livre, chez son libraire, sur les sites marchands habituels comme la Fnac, ou directement sur le site de l’éditeur. L’ouvrage arrivera quelques jours après. Il faut simplement le commander.

Tu es très engagée en faveur de la visibilité des autrices : pourquoi cet engagement ?

Sarah Sauquet : Professeure de lettres et autrice, je suis passionnée depuis toujours par la littérature.Un Texte Une Femme vous donnera envie de lire des autrices

La littérature nous permet de vivre ce que le réel ne nous offre pas, elle nous apprend l’empathie, constitue une formidable ouverture au monde, et nous invite surtout à relire les grands événements de notre vie au regard de la fiction. Moi qui ai mis du temps à me trouver, je souhaite montrer combien les écrits peuvent nous aider à nous construire, et donc indirectement à changer le monde.

Parce que l’injustice me révolte, je ne peux que vouloir mettre en avant les écrits féminins, qui ont si longtemps été, et sont parfois encore, invisibilisés par les hommes. Félicité de Genlis, femme de lettres du XVIIIe siècle, en parle très bien dans plusieurs textes de l’ouvrage. Il est selon moi impossible de s’engager à propos de tout (j’en suis en tout cas incapable), et la mise en avant des autrices est mon premier et principal engagement féministe.

Quelle est la plus belle « récompense » que tu as reçue ?

Sarah Sauquet : Grâce à mes application Un Texte Un Jour, j’ai pu publier des livres, écrire pour Gallica, faire des rencontres extraordinaires comme Hubert Védrine, Luz ou Nikos Aliagas que j’ai interviewés sur le blog d’Un texte Un jour. Il est évident que toutes ces expériences me marqueront durablement.

Néanmoins, je crois que ma plus belle récompense fut de pouvoir être longuement interviewée dans The New Parisienne, The Women and Ideas shaping Paris, de Lindsey Tramuta. Ce très beau livre, sorti mondialement en juillet 2020, met à l’honneur 40 Parisiennes qui « incarnent le renouveau de Paris ». J’y figure aux côtés de personnalités parfois très connues, en tant qu’enseignante proposant un accès renouvelé aux classiques.

C’est une forme de reconnaissance assez incroyable pour moi, qui récompense huit années de persévérance et m’émeut infiniment, puisque je suis Parisienne de naissance et viscéralement attachée à cette ville. Le livre de Lindsey Tramuta sortira en français le 6 mai 2021 chez Gallimard. Ma rencontre avec Lindsey, pour qui j’ai une très grande admiration, restera parmi mes plus beaux souvenirs.

Ton souhait féministe en 2021 ?

Sarah Sauquet : Les derniers mois ont été particulièrement rudes pour les mères qui travaillent. Elles ont souvent dû jongler entre télétravail, confinement, et garde d’enfants, quand elles n’ont pas dû renoncer à travailler.

Beaucoup d’entres elles étaient absolument épuisées cet été, et inquiètes par une précarité nouvelle. Je souhaiterais que ces mères soient davantage soutenues par leur employeur, et par leur conjoint, quand elles en ont un. Il reste beaucoup à faire au niveau de la charge mentale et du partage des tâches.

Quelle est la prochaine étape pour toi ?

Sarah Sauquet : Il y a deux ans, j’ai quitté le lycée dans lequel j’enseignais depuis douze ans afin de pouvoir continuer à enseigner, de façon plus souple, tout en menant à bien mes nombreux projets. Depuis cette période, j’ai de nouvelles cordes à mon arc et je travaille désormais aussi en tant que portraitiste, biographe et rédactrice au sens large. Mon objectif pour les prochains mois serait d’œuvrer afin que cette activité se développe encore davantage.

Sarah Sauquet, Un texte Une femme, La littérature au féminin en 365 jours

LibriSphaera, 8 mars 2021

920 pages, 35 euros

ISBN-10 : 2490399241

ISBN-13 : 978-2490399246

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À propos de Sarah Sauquet

Professeure de lettres modernes, Sarah Sauquet est, avec sa mère ingénieure, à l’origine de six applications de littérature classique, parmi lesquelles Un texte Un jour. Intervenante lors du TedxCEWomen en 2013, Sarah est également blogueuse, autrice, et elle donne également des conférences sur les liens entre littérature et marketing. Qu’il s’agisse d’enseigner, d’écrire, ou d’animer une communauté digitale, son travail tourne autour d’un même objectif : celui de susciter l’envie de lire des classiques.

 

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